Le manager hybride augmenté par l’IA
Selon une étude du cabinet de recrutement Hays, plus de 9 salariés sur 10 estiment que la fonction de manager ne ressemble plus à ce qu’elle était par le passé. Et pour plus de la moitié des personnes ayant répondu, elle serait devenue plus compliquée ! Dans cet article, découpé en deux partie, nous allons définir le management hybride, le portrait-robot du manager hybride, les 4 rôles du manager hybride, et les avantages et inconvénients pour les collaborateurs.
Puis dans un deuxième temps, nous allons décrire les codes à adopter par le management algorithmique pour guider les équipes vers le bien-être et le succès collectif. Enfin, nous allons révéler comment l’IA s’intègre dans les rapports entre les équipes et les individus.
Quid du management devenu « hybride » ?
Le management, c’est quoi ?
Le management est un maillon essentiel de l’entreprise, quelle que soit sa taille.
Par définition, le management est l’ensemble des techniques de gestion, de planification, d’organisation, de direction et de contrôle mises en œuvre dans une entreprise.
Dans le management hybride, il existe une dose de présence et de distance, et deux façons de travailler bien différente, et ce savant dosage est apparu encore plus crucial à trouver à la faveur de la crise sanitaire du covid, des confinements et autres mesures qui en ont découlé.
Portrait-robot du manager hybride
Il doit jongler entre sa propre présence au travail ou à domicile, la présence de certaines personnes de son équipe à ses côtés, et d’autres à distance, mais aussi avec toutes les personnalités qui la composent. Il doit les réunir, les rassembler physiquement mais aussi virtuellement. Enfin, il doit les encourager, être attentif aux difficultés professionnelles mais aussi sociales et personnelles.
Il croit en l’autonomie, l’autoresponsabilisation. Il permet à chacun de se sentir valorisé, impliqué. Véritable chef d’orchestre, il est au service de ses collaborateurs, mais également et surtout des objectifs de l’entreprise !
C’est celui qui croise les mondes réels, virtuels, phygital (terme apparu en 2013, contraction entre les mots « physique » et « digital »), et qui va devoir passer du management de la performance au management de l’usage.
Céline Dejoux Tweet
Les 4 rôles du manager hybride :
Il doit définir des règles et choisir qui travaille au bureau et qui reste à domicile. Dans le même ordre d’idée, il doit également établir les horaires de travail, les heures de réunion, la disponibilité pour les appels.
Il devra faire preuve d’une bonne capacité d’écoute face aux situations individuelles en fonction des impératifs de chacun, et vérifier la compatibilité du matériel, du réseau à domicile. Il devra, aussi, traiter équitablement les demandes qui lui sont adressées.
Le manager hybride devra suivre les objectifs de chacun des collaborateurs de manière régulière tout en préservant la confiance pour éviter un sentiment de « flicage ».
Il devra également créer du lien avec ses équipes et un sentiment d’appartenance. Quand on ne se voit plus, difficile de créer une relation de qualité ! À lui, donc, d’inventer des moments de partage afin d’ancrer une vision commune.
Les missions du manager hybride ne seront donc pas très éloignées de celles du management traditionnel. Mais elles vont faire évoluer la posture de manager et la transformer en une posture de leader !
Avantages/inconvénients pour les collaborateurs :
Le principal avantage d’une organisation hybride réside dans l’autonomie des collaborateurs ainsi que dans leur flexibilité, qui se décline ainsi :
- Réduction (voire suppression) des temps de transports. C’est autant de temps gagné pour le collaborateur : ainsi, il peut se concentrer sur sa vie personnelle, mais aussi être plus autonome et responsable en organisant lui-même son emploi du temps.
- Limitation des nuisances sonores et facilitation de la concentration : de plus en plus d’entreprises généralisent l'open space, ce qui implique plus de bruit dans l'environnement de l'employé. De plus, au bureau, le collaborateur est facilement distrait (collègue qui pose une question, les pauses à la machine à café, les réunions improvisées etc.). Encore faut-il que le collaborateur dispose d’un endroit où s’isoler un minimum, car devoir gérer des enfants tout en travaillant peut aussi représenter un écueil à la mise en place du télétravail.
- Une répartition efficace des tâches : quand le collaborateur peut facilement organiser son travail et l’articuler avec ses tâches personnelles (travail dans la maison, travail bénévole, tâches parentales … ), il gagne en qualité de vie au travail… et à la maison !
Même si nous avons vu les avantages de ce système, ce mode d’organisation n’est pas sans conséquence sur la vie des collaborateurs et peut présenter des risques. On pourra citer la sédentarité, le sentiment d’isolement, la difficulté à créer des barrières entre la vie professionnelle et la vie personnelle pour préserver l’une comme l’autre.
Le nouveau manager hybride aka « Shiva »
Pour conclure, le nouveau manager sera « Shiva », du nom de cette divinité indienne possédant quatre bras : il sera encore plus « multitâche » qu’auparavant. En outre, capable d’écouter, diriger, motiver, contrôler, embaucher ses équipes, ce véritable couteau suisse sera à la fois constructeur et déconstructeur. Le modèle managérial se basant sur la direction qui pense et les opérationnels qui exécutent est maintenant révolu.
A l’heure où la démarche RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) est une préoccupation collective et où l’intelligence artificielle (IA) vient chambouler les rapports humains, il devient nécessaire de responsabiliser les collaborateurs, « horizontalizer » le management, prôner une culture du dialogue, de l’expérimentation, de la pluridisciplinarité ou encore de l’initiative.
Les nouveaux modes de travail
Cécile Dejoux
Comment choisir le mode le plus adapté ?
A l’ère du tout-numérique, quels codes doit adopter le management algorithmique pour guider les équipes vers le bien-être et le succès collectif ?
Le management algorithmique correspond à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour le recrutement et l’organisation du travail humain. La tendance de fond de son utilisation va de pair avec l’application des règles nécessaires de sécurisation et de respect des droits des collaborateurs.
Cadre général et tendance de fond
A l’heure actuelle, le droit du travail est encore très centré sur l’organisation du travail avant le numérique. Prendre la mesure de ces changements est essentiel pour mener à bien l’encadrement du travail par le management algorithmique. Il convient d’utiliser son potentiel bien entendu, mais aussi de garantir les conditions de travail qui préservent la santé, la dignité, l’égalité de traitement et l’autonomie des salariés.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les fonctions managériales sont les plus transformées par l’IA. Celle-ci risque de chambouler le monde du travail de demain.
Un livre blanc a été publié en partenariat avec Geneva Macro Labs qui a organisé le 23 février 2022 la conférence “AI and the Future of Work”, un évènement international inscrit dans le cadre des Etats généraux de la transition inclusive. Il en est ressorti que, si l’usage de l’IA par les employeurs est d’abord motivé par sa capacité à améliorer la productivité (le cabinet Accenture annonce 40% de gains de productivité à l’échelle mondiale d’ici 2035 grâce à l’IA), elle permet aux collaborateurs de produire plus vite et plus facilement, d’être plus égalitaire, et donc plus intéressante.
Mais ce management ouvre également la voie à des risques négatifs :
Parmi les principaux risques, on pourra citer la surveillance abusive, des discriminations, une perte d’autonomie et une perte d’employabilité liée à l’obsolescence des compétences. A titre d’exemple, Amazon a dû renoncer à son programme de recrutement car il privilégiait les candidatures masculines sur les emplois technologiques.
Adopter des règles dès la conception du projet afin de sécuriser l’IA
Pour le chef de projet, consultant et manager IA, il semble important de se tenir à une charte explicative et éthique, dans tous les projets à mener, autour de quatre axes :
Règle N° 1 : Avoir un objectif d’explicabilité des algorithmes.
Ce que l’on appelle « l’éthique by design ». En intégrant des valeurs et des principes humains dès la conception de la solution technologique. Cela se traduit par une approche déontologique, qui se traduit ensuite techniquement.
Règle N°2 : Assurer la traçabilité des décisions algorithmiques.
Nous aurons deux types d’algorithme : celui qui sera une aide à la décision managériale, mais également celui qui prendra la décision seul.
Dans le deuxième cas, le collaborateur doit être informé, comme doit l’être le manager dans l’exécution de son contrat (en matière d’organisation par exemple). Cette traçabilité a déjà été envisagée par le Parlement européen pour la création systématique du journal ou log, relatif aux opérations de l’algorithme mais également et de manière effective, l’intelligibilité et l’accessibilité de ces journaux pour les collaborateurs ou prestataires ayant fait l’objet de décisions algorithmiques ou aidées par l’algorithme.
Règle N°3 : Rendre obligatoires certaines séquences au sein des algorithmes pour garantir les droits des collaborateurs et inversement interdire des séquences aux effets néfastes.
C’est d’autant plus important qu’une étude du cabinet de conseil BCG (4) montre que moins de la moitié des entreprises qui ont déployé l’IA dans leur organisation l’ont fait avec une IA responsable.
Règle N°4 : Encadrer la conception des algorithmes en contrôlant en amont les bases de données d’apprentissages avec trois objectifs : la diversité, la minimisation des biais et la qualité des informations.
Deux points d’attention sont donc essentiels : l’amélioration des données afin de les rendre exploitables, l’enrichissement de cette base et également le cycle de vie des modèles.
Dans tout projet impliquant une IA, on distingue trois niveaux d’intervention :
- Les experts métiers qui garantissent l’impact métier d’un modèle et l’applicabilité dans le temps
- Les data scientists qui évaluent la robustesse des modèles, la détection des biais et le ré-entraînement des modèles
- Le système qui va gérer la mise en production, la maintenance et la mise en oeuvre du projet IA.
Il conviendra également de mettre en place une équipe d’experts en charge du suivi de projets avec un responsable « qualité des données ».
Ses missions seront d’assurer la pérennité du référentiel de données, contrôler non seulement la performance du modèle mais également sa robustesse en surveillant les modèles, surveiller les indicateurs de performance et gérer les alertes en cas de problème. Et, évidemment, le responsable de la production sera le garant de la mise en oeuvre sur la chaîne de production.
Au delà de la démarche des risques, il faut donc intégrer dans la gestion de projet l’implication des dirigeants de l’entreprise ; la formation des collaborateurs aux usages, opportunités et risques liés à l’IA ; le développement d’une culture de la prévention des risques psychosociaux liés à la mise en œuvre d’un algorithme dans les relations de travail,
Et enfin, un travail de réflexion pour savoir comment conjuguer au mieux les compétences des humains et des robots dans le contexte spécifique de l’entreprise concernée .
Avant de conduire un projet qui impacte des équipes, il faudra :
- Identifier et évaluer les compromis existants ou potentiels et leur impact
éventuel sur les personnes concernées. - Examiner les approches techniques disponibles pour minimiser le besoin de
compromis. - Adopter un processus de validation des compromis ou arbitrages fondés sur
les risques, avec définition des critères et responsabilités (à intégrer dans l’analyse d’impact) - Passer en revue les arbitrages en tenant compte, entre autres, des points de vue des personnes concernées et des techniques ou bonnes pratiques émergentes pour les réduire.
Comment l’IA s’intègre-t-elle dans les rapports entre les équipes et les individus ?
Même si l’IA n’est pas expressément visée dans le RGPD, nous pouvons nous référer à ces deux articles :
- Article 22 : La personne concernée a le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, y compris le profilage, produisant des effets juridiques la concernant ou l’affectant de manière significative de façon similaire.
- Article 13 : informations sur l’existence d’une prise de décision automatisée, y compris un profilage, et, au moins en pareils cas, des informations utiles concernant la logique sous-jacente, ainsi que l’importance et les conséquences prévues de ce traitement pour la personne concernée.
- La proposition de directive du Parlement européen relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, datant du 9 décembre 2021, envisage déjà un tel document dans son article 6 qui prévoit d’imposer aux plateformes d’informer les salariés au sujet des :
* systèmes de surveillance automatisés qui sont utilisés pour surveiller, superviser ou évaluer l’exécution du travail des collaborateurs des plateformes par voie électronique;
* systèmes de prise de décision automatisés qui sont utilisés pour prendre ou appuyer des décisions qui ont une incidence significative sur les conditions de travail des travailleurs des plateformes, en particulier leur accès aux tâches, leurs revenus, leur sécurité et leur santé au travail, leur temps de travail, leur promotion et leur statut contractuel, y compris la limitation, la suspension ou la résiliation de leur compte.
Assurer le respect effectif des principes de l’IA responsable et des droits des collaborateurs
L’IA va faire évoluer fortement les métiers ainsi que les tâches associés aux collaborateurs, nous risquons donc de démultiplier les risques psychosociaux en raison de :
- la standardisation des tâches pour les collaborateurs, l’IA laissant à l’humain les tâches sui ne peuvent pas lui être délégués.
- tâches plus complexes pour les collaborateurs. Une étude japonaise réalisée en 2017 auprès de 10 000 travailleurs a montré que, si l’usage de l’IA contribuait à la satisfaction au travail en concentrant une partie des travailleurs sur des tâches moins répétitives, elle introduit dans ces cas-là un niveau de stress supplémentaire lié à la complexité des tâches restant à réaliser par l’humain.
- l’introduction des robots collaboratifs en terme de sécurité et de santé au travail (SST) : risques de collision robot-humain consécutif à un problème suite à l’apprentissage automatique ; risques liés à la sécurité lors de la connexion internet et problèmes de vulnérabilité.
Dans notre prochain article, place aux experts… avec le Dr Luc Julia qui m’a fait le plaisir de m’accorder une interview autour de 10 questions !
Consultant/Chef de projet IA
Pendant 25 ans, j’ai eu une vie professionnelle passionnante dans les médias, où j’ai occupé la fonction de directeur technique adjoint.
J’ai pu mener à bien des projets importants (Industriels, marketing digital, RH, management).
Aujourd’hui, je complète mes compétences en Intelligence artificielle en suivant le MBA Intelligence Artificielle (Institut Léonard de Vinci).
Je rédige ma thèse sur le thème : « L’IA peut-elle être un atout pour le manager ? ». Avec un objectif, vous montrer les intérêts de cette technologie pour les vrais humains que nous sommes, sans jargon et sans bullshit !
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