Grace Hopper, actrice de la grande Histoire de l’informatique
Après Ada Lovelace et Alan Turing qui d’une certaine manière représentent l’ère des ordinateurs, ia4marketing vous emmène aujourd’hui dans une autre dimension, celle de Grace Hopper.
Avec notre 3ème pionnière, Grace Hopper, on passe à l’ère de la programmation. Suite quelque peu logique car pour faire tourner nos ordinateurs nous avons besoin de programmes et d’instructions compréhensibles pour la machine.
Dès lors, l’histoire de Grace Hopper vous séduira tout autant que nous par la richesse de sa vie et de ses découvertes. Et vous verrez aussi que le hasard la conduira à être connue pour une simple anecdote.
En revanche, on ne peut pas résumer la contribution de Grace Hopper à cette seule petite histoire. Car elle a aussi plus que largement contribué à la grande Histoire de l’informatique.
Portrait robot
NOM : HOPPER
PRENOM : GRACE
Née le : 9 décembre 1906
A : New York – Etats-Unis
Signe particulier : Connue pour avoir, malgré elle, défini le « bug » informatique
Connaissez-vous Grace Hopper ?
La plus remarquable des pionnières de l’ère de la programmation est une femme, américaine et officier de marine.
Issue d’une famille aisée de l’Upper West side à Manhattan, sa mère était mathématicienne et son père, cadre dans le secteur des assurances.
Elle termine ses études à Yale et en 1934 et valide un doctorat en mathématiques. Elle fut la onzième femme à obtenir ce niveau de diplôme, la première diplômée l’ayant été en 1895. Pas si rare donc pour cette époque.
De la modernité de ses enseignements
Après son mariage avec Vincent Hopper, professeur de littérature, elle débute comme enseignante au Vassar Collège qu’elle a fréquenté étant plus jeune et devient professeur de mathématiques.
Ce qui est déjà frappant est qu’elle considérait que ses élèves devaient d’abord bien écrire. En effet, pour elle, cette compétence était essentielle si on voulait bien faire comprendre les notions de mathématiques. D’ailleurs, elle défraya en quelque sorte la chronique comparativement à d’autres professeurs plus traditionnels qui eux ne faisaient qu’enseigner la matière pour laquelle ils avaient « signé ».
Elle demande en effet à ses élèves d’écrire des essais sur des formules de mathématiques.
« Je leur expliquais que ça ne servait à rien d’essayer d’apprendre les maths si on ne pouvait pas les communiquer à d’autres personnes »
Grace Hopper Tweet
Un changement de vie crucial pour la suite
Toute sa vie, elle met un point d’honneur à traduire des problèmes scientifiques.
En 1940, alors que sa vie prend un tournant quelque peu routinier à la fois sur le plan professionnel et le plan personnel, elle prend un congé sabbatique et s’inscrit aux cours d’un mathématicien de renommée, Richard Courant à l’université de New York.
Puis, c’est la grande Histoire qui va faire basculer son histoire personnelle. En décembre 1941, a lieu l’attaque des Japonais à Pearl Harbor. Cet événement va précipiter l’entrée des États Unis au sein des forces alliées de la seconde guerre mondiale.
Elle abandonne alors son job de professeur, divorce de son mari et rejoint la marine américaine.
Major de sa promotion et nouveau job
En 1944, elle finit major de sa promotion et obtient le grade de lieutenant. Dès lors, elle présume qu’on l’affectera dans une équipe de cryptographes (rappelons-nous ce que ces derniers ont réalisé avec Alan Turing pendant la même période et en Angleterre). Mais ce n’était pas vraiment ce que la marine a en tête pour elle.
Car en réalité, elle est affectée à la prestigieuse université de Harvard pour travailler sur un méga ordinateur (on a parlé de l’ENIAC dans un article précédent mais il y en a eu d’autres) : le Mark I et sa version améliorée le Mark II.
Mark I
Le Mark I a été conçu par Howard Aiken en 1937. Il s’agissait d’un énorme calculateur numérique.
Un peu moins imposant que son « cousin » le ENIAC (vu dans un article précédent), le Mark I pesait quand même 4 tonnes, mesurait 16 mètres de long, 2,4 mètres de haut et 50 cm de profondeur.
Il comprenait aussi des kilomètres de câbles et une fois programmé, fonctionnait assez bien en mode automatique.
Mais il fallait lui donner de quoi fonctionner c’est-à-dire le programmer avec des suites logiques d’instructions. Ce dernier point allait être la mission de Grace Hopper.
Sa mission avec le Mark I
Lorsque Grace Hopper arrive à Harvard, Howard Aiken lui donne à lire un exemplaire des mémoires de… Charles Babbage (vous vous souvenez de notre article sur Ada Lovelace ?).
Quand elle voit le monstre de calculateur numérique qu’était le Mark I, Grace Hopper resta quelque peu « dubitative ».
Avant de maitriser la « bête », il lui faut donc en comprendre la mécanique. Tout naturellement et dans un premier temps, elle mobilise toutes ses compétences pour analyser la machine.
Il lui faut traduire les informations « matérielles » du super calculateur en équation mathématiques et les communiquer plus tard sous formes d’instructions pour en prendre le contrôle.
On peut dire que Grace Hopper est déjà douée pour parler plusieurs langages à savoir le langage du réel puis celui des mathématiques puis celui de l’informatique.
Cette grande compétence la conduit en toute logique à écrire ce qu’on peut considérer aujourd’hui comme le premier manuel de programmation de l’histoire. Un manuel qui ne faisait pas moins de 500 pages.
Des nuits entières de programmation
Grace Hopper ne travaille pas seule. Parmi ses compagnons de travail, il y a Richard Bloch, mathématicien et flutiste qui a aussi servi dans la Marine.
Ils passeront des heures et des nuits entières à tester les programmes sur le Mark I. On dit aussi que ça pouvait « barder » et que Grace Hopper pouvait avoir un sacré tempérament, heureusement temporisé par la placidité de son compère Richard Bloch.
Le caractère bien trempé de Grace Hopper se complétait par un réel esprit de collaboration. Et on peut aisément imaginer la grande motivation qu’était la sienne à réussir à programmer le Mark I.
Parmi les pratiques de programmation qu’elle perfectionne, il y a les sous-programmes qui sont des séquences de code réutilisables dans le programme principal et au besoin.
Ainsi, Grace Hopper constitue une véritable « bibliothèque » de sous-programmes.
Souvenez-vous encore… Les sous-programmes avaient été inventés et décrits par Ada Lovelace dans ses célèbres Notes.
Elle développe aussi le concept du compilateur. Explication :
Un compilateur est un programme qui transforme un langage de programmation compréhensible par un être humain en une version compréhensible pour différents types de machine.
Définition du compilateur
En informatique, un compilateur est un programme qui transforme un code source en un code objet. Généralement, le code source est écrit dans un langage de programmation (le langage source). De plus, il est de haut niveau d’abstraction, et facilement compréhensible par l’humain. Et le code objet est généralement écrit en langage de plus bas niveau (appelé langage cible). Par exemple un langage d’assemblage ou langage machine, en vue de créer un programme exécutable par une machine.
La fameuse histoire du « Bug » et du « Debug » de Grace Hopper
Comme nous l’avons dit dans notre introduction, Grace Hopper et son équipe sont aussi connues pour avoir en quelque sorte inventé le terme de « Bug » (« insecte » en anglais). Dans le cas où un programme informatique échoue.
Mais cette anecdote est faussement attribuée à Grace Hopper en personne. Car elle est plutôt liée à un incident qui arriva à son équipe.
Une nuit l’ordinateur tomba en panne. Après investigation, les ingénieurs trouvèrent un énorme papillon de nuit pris et écrasé dans un des relais de la machine. Le papillon de nuit fut « scotché » sur une feuille de papier avec l’annotation : « First actual case of bug being found » – « Premier cas de découverte d’insecte ».
À la suite de cet évènement, l’équipe employa l’expression « debugging the machine » quand il fallait identifier les pannes et éliminer les erreurs dans les programmes.
Même si Grace Hopper n’est pas directement à l’origine de cette expression, ajoutons quand même, à titre de clin d’œil que « hopper » veut dire en anglais « sauterelle ».
Hopper : un nom qui pourrait-on dire serait prédestiné à corriger des « bugs ».
En tous cas, ceci est une coïncidence de plus pour étoffer cette anecdote.
1945 à 1959 – La carrière de Grace Hopper s’envole
En 1945 et grâce à Grace Hopper, le Mark I et sa version améliorée le Mark II était très facilement programmable. Un nouvel ordinateur géant, l’ENIAC arrivait sur la scène. Il était 1500 fois plus rapide que le Mark I pour exécuter les instructions mais pour le reprogrammer il fallait presqu’une journée entière. Cela dit Grace Hopper avait une grande ouverture d’esprit et prenait en compte la rapidité de traitement de l’ENIAC.
Dans les années 50, sa carrière accélère considérablement :
- 1949 elle est embauchée par Eckert Mauchly Computer Corporation (Eckert et Mauchly ont été à l’origine du projet ENIAC) pour rejoindre l’équipe qui développe un ordinateur appelé l’UNIVAC (Universal Automatic Computer).
L’UNIVAC est le premier ordinateur commercial qui sera d’ailleurs illustré dans un des albums de Tintin, Objectif Lune.
- 1951, Grace Hopper conçoit le premier compilateur (A-0 System) pour l’UNIVAC.
- 1955, elle invente le langage Flow Matic aussi appelé B-0 Language pour l’UNIVAC.
- 1957, elle travaille pour IBM.
- Et en 1959 elle défend l’idée qu’un programme devrait être écrit dans un langage proche de l’anglais plutôt que d’être calqué sur un langage machine.
A partir de cette idée fondatrice et en 1959, date cruciale, elle invente donc le langage Cobol.
La fin de carrière et les honneurs pour Grace Hopper
En 1966, elle doit quitter la Marine mais elle est rappelée l’année d’après alors qu’elle a dépassé l’âge réglementaire.
Pendant les années 70, elle œuvrera à la progression de l’informatique en mettant en place des normes pour les langages de programmation comme le Fortran et le Cobol.
En 1973, elle sera nommée « membre émérite » de la British Computer Society.
Finalement elle restera dans la Marine jusqu’en 1986. Elle finira sa carrière avec le grade de Rear Admiral (lower half). Ce qui est d’après nos sources équivalent à un un grade d’officier général à une étoile.
Jusqu’à son décès en 1992, elle travaillera en tant que consultante externe chez Digital Equipment et donnera des conférences sur les débuts de l’informatique.
Elle sera enterrée avec les honneurs militaires et en 1994, elle sera inscrite au National Women’s Hall of Fame.
Près d’une cinquantaine de Doctorats honoraires lui ont été également décernés.
Un conférence technique internationale créée aussi en 1994 et organisée par l’institut Anita Borg est baptisée la Grace Hopper Celebration of Women in Computing.
Enfin et en 1997, un destroyer de la Marine US est baptisé le USS Hopper.
Dernier hommage
Grace Hopper vous l’aurez compris fait partie de ces pionniers remarquables et remarqués qui ont amplement contribué à faire avancer les traitements informatiques et passer d’une dimension à une autre.
Alors, oserions-nous ainsi dire que comme une « élégante sauterelle » elle et ses équipes ont permis à la science informatique de faire le grand saut dans la manière de programmer les ordinateurs? Et de traduire les langages de programmation pour faire fonctionner les machines.
Oui, on ose le dire et avec grand respect pour cette femme exceptionnelle.
Grace Hopper on Letterman
L'histoire de Grace Hopper ou presque...
Plus de 10 ans d’expérience en gestion de projets IT & Digitaux à l’échelle internationale – Cabinet Conseil (Big 4), Grands Groupes, PME et Start Ups. Reconvertie dans le Marketing Digital et le SEO depuis 2017. J’aime les sciences et techniques, les innovations et les nouvelles technologies qui impactent déjà le monde d’aujourd’hui.
Un commentaire