Comment optimiser l’expérience clients grâce à l’Intelligence Artificielle ?
Lors du RDV du Club CX qui a eu lieu mercredi 19 octobre 2022, j’ai eu la chance d’animer la discussion avec Damien Nuyttens, Directeur expérience clients et opérations chez Edenred. Ce dernier a partagé ses retours d’expérience en matière de CX et nous livre ses conseils et écueils quant à l’optimisation de l’expérience clients grâce à l’intelligence artificielle.
Biographie de Damien NUYTTENS
Le fil conducteur depuis plus de 20 ans dans mon parcours professionnel : l’obsession de mettre les clients au centre de la stratégie de l’entreprise. Longuement chez SFR puis chez AXA avec des enjeux de transformation CX centric, fidélisation client, digitalisation des usages et développement des ventes ou du revenu (ARPU) Plus récemment chez BUTAGAZ ou chez EDENRED en portant l'engagement de ces entreprises à se différencier en proposant la meilleure expérience client du marché, ce dans un contexte de forte croissance du portefeuille clients.
Je suis particulièrement fier d’avoir remporté avec mes équipes 3 titres de Service Client de l’Année consécutifs, dans 2 secteurs différents (et pour Butagaz seulement 1 an après le lancement de ses activités gaz naturel et électricité B2C). Au-delà des récompenses marché, la plus belle des reconnaissances étant celle de nos clients, avec des Net Promoter Score (NPS) situés dans les meilleurs benchmarks.
Fort de mon expertise acquise sur des fonctions marketing ou opérationnelles et de ce double regard, ma valeur ajoutée est d’adresser la granularité des attentes clients dans des environnements variés (secteurs, B2B, B2C…) et dans un contexte d’omnicanalité (digital, téléphone, retail).
En fonction des enjeux qui se présentent à l’entreprise et avec mes équipes, je suis en capacité :
- d’incarner et porter une transformation, avec une vision holistique au service de la customer centricity (simplification des parcours clients, digitalisation de la relation client, transformation culturelle…).
- dans un contexte d’hyper croissance de structurer l’expérience client proposée en gérant de façon optimum le tryptique efficience / qualité / coût
Quelle est votre conception de la Customer Expérience et quels sont les touchpoints Edenred / clients concernés ?
Edenred est aujourd’hui leader mondial français de l’argent fléché et des avantages aux salariés. Notre métier, c’est de proposer des solutions aux entreprises, collectivités, CSE à destination de leurs collaborateurs pour des univers de consommation spécifique. Notre solution la plus emblématique est le Ticket Restaurant © que nous avons inventé en 1962. Mais nous proposons aussi des solutions autour du cadeau (Kadeos) ou de la mobilité. On compte 160 000 clients et 7 millions d’utilisateurs de nos solutions en France.
Tout d’abord, une des principales ruptures que j’ai vécue dans ma carrière est celle de l’arrivée des smartphones qui a profondément bouleversé notre quotidien et notamment dans les attentes clients.
Aujourd’hui, on peut se faire livrer un repas pour toute la famille en 10 minutes, le rapport au temps n’est plus le même. Alors attendre 5 minutes au téléphone dans un service client est devenu insupportable puisque l’on peut faire bien d’autres choses plus utiles pendant ce laps de temps.
D’un point de vue un peu caricatural, il y a 10 ans Edenred était un imprimeur. On vendait des tickets papiers et on continue d’en fabriquer encore un peu aujourd’hui. Depuis quelques années, la transition de nos solutions vers le digital s’est traduite par une ré-intermédiation massive avec les bénéficiaires de nos solutions et le développement de nouvelles solutions pour nos clients. De fait ceci nous a conduit de repenser la façon dont nous entrons en interaction avec nos parties prenantes et les canaux de contacts à proposer :
- Le téléphone
- L’application MyEdenred
- L’email / Formulaire
- L’espace client
- Les canaux sur lesquels nous réfléchissons : du messaging en synchrone (chat) et en asynchrone (embarqué dans notre application)
On essaie de développer de plus en plus nos canaux digitaux et surtout d’avoir une segmentation de nos canaux qui corresponde aux diversités des choix de nos clients (diversité de la taille et spécificité liée à la localisation du client).
Quels accompagnements des équipes call center et autres avez-vous envisagés / déployés, face aux clients surinformés et aux nombreuses attentes placées auprès des téléconseillers ?
Face à cette multi-canalité, nous avons opté pour un service client totalement hybride digital / humain.
Tout dépend de l’objectif que l’on cherche à atteindre. Et selon les entreprises et leurs contextes, les dispositifs ne sont pas forcément les mêmes. Pour certains, un chat instantané est la meilleure réponse à apporter, une réponse plus adaptée que d’avoir un commercial sédentaire.
Par ailleurs, on octroie de plus en plus d’autonomie auprès du client sur certains canaux, nous développons notamment le selfcare sur lequel nous étions assez faibles jusqu’à maintenant. Le service clients doit quant à lui apporter de la valeur le jour où ces derniers ont une vraie problématique.
Pour orchestrer ces interactions, nos outils selon les besoins orientent selon les besoins les sujets vers le digital ou le call center avec un système de case management. Enfin, la mesure de la voix du client est désormais installée dans 35 sur 45 de nos pays dans le monde. Elle permet de faire des benchmarks intéressants d’un point de vue culturel.
Notre objectif, éviter les contacts à faible valeur ajoutée pour nos clients comme pour nos équipes et se concentrer sur la création de valeur, être présent pendant les moments de vérité et apporter les meilleurs conseils.
La voix de nos collaborateurs
Pour nos collaborateurs, le travail s'est complexifié et intensifié depuis le COVID. Il est donc nécessaire d'être plus polyvalent face à des clients qui sont parfois mieux informés, plus exigeants et impatients (avec une montée des incivilités).
Ce qui de prime abord peut être perçu comme un enrichissement des métiers (plus de diversité, plus de poids de l’humain) n’est pas toujours plus stimulant pour nos collaborateurs. La récente étude sur le futur des métiers de la relation client réalisée par l’AFRC et The Boson, à laquelle Edenred a contribué, l’illustre bien. Près du quart des conseillers ne trouve pas leur quotidien plus épanouissant. La digitalisation a adressé prioritairement les actes simples et de fait le métier des chargés de clientèle s’est complexifié. Beaucoup d’attention a été apportée aux clients mais pas suffisamment auprès des collaborateurs alors que ce sont les 2 faces d’une même pièce : pas d’expérience réussie sans expérience collaborateurs solide.
On vise à réduire chacun de leurs efforts et leur faciliter la vie pour qu’ils puissent se concentrer sur la création de valeur et la relation humaine.
Pourquoi être service client de l'année c'est important et comment préparez-vous cette échéance ?
Il s’agit d’un moment fort d’animation des équipes et une manière d’engager le service client dans une démarche hyper positive.
De plus c’est aussi un super audit pour savoir où on se situe en termes de performance mais ce n’est pas une finalité non plus. En effet, je préfère mettre ce sujet de côté une année lorsqu’on dégrade temporairement notre service, le temps de déployer des solutions qui nous permettent de gagner significativement sur la durée.
Surtout, la fête du client c’est tous les jours avec :
- Plus de qualité de service, plus d’efficacité, des nouveaux canaux adaptés aux besoins de nos clients
- Une réponse pertinente apportée aux des clients
Quels sont vos principaux KPI en termes de CX et quels sont les défis que vous relevez pour atteindre les niveaux de performance escomptés ?
Le premier KPI demeure le NPS à froid car le plus prédictif de la loyauté ou l’intention d’achat. Le service clients et les équipes commerciales sont directement concernés. Toutefois, on réfléchit à l’inclure dans les critères de rémunération, plus globalement même si ceci demande un travail d’accompagnement préalable.
Dans le quotidien opérationnel on essaye de travailler sur le NPS post contact et Customer Effort Score pour justement faire les bonnes corrélations avec nos équipes et les leviers qui influencent ce premier KPI.
Enfin, le taux de résolution du 1er contact est un vrai challenge avec les nouveaux canaux type Chat. Qui doit clôturer un case entre le client et le téléconseiller ?
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L’IA pour se réinventer selon vos propres mots, comment l'intelligence artificielle s'intègre-t-elle dans votre stratégie CX ?
Quelles sont les bénéfices depuis l' adoption de l'IA ?
Nous avons fait un pilote de Callbot de “débordement” avec Zaion-Solution de relation client augmentée par l’IA.
Celui-ci va aiguiller et traiter un certain nombre de cas en direct afin de délester un tiers des demandes notamment lors de nos pics de fin d’année et/ou gérer des cases à froid. Les réponses apportées se font sous la forme de FAQ ou SMS. Les demandes non traitées à chaud sont dès lors orientées auprès des conseillers en renfort.
Ce Callbot opère une excellente compréhension des intentions d’appels de nos clients et donc effectue la bonne décision vis-à-vis du traitement autonome des appels ou l’orientation selon les cas vers le téléconseiller. En retour, nous avons gagné 5 points de qualité de service (résultat validé par un A/B test sur une partie des flux non exposés au Callbot).
Y a-t-il eu des écueils au départ (sur tel ou tel investissement, sur les données utilisées, biais in biais out, sur l’acculturation trop faible…)?
Bien que ces résultats soient encourageants, ils sont au-dessous de nos attentes car plus de 80% des contacts nécessitent un re-contact. Notre intégration minimaliste à Salesforce ainsi que la catégorisation insuffisante des appels ne sont pas alignées pour une véritable automatisation. De plus, il faut reconnaître que notre base de connaissances / FAQ n’est clairement pas au niveau et peu exploitable en l’état. Nous mettons en place une Knowledge Management Platform pour apporter une réponse structurée à ce besoin.
Donc l’outil ne fait pas tout et il est nécessaire de développer la bonne architecture et l’alimenter avec les bonnes données.
Quelle gouvernance des données et des flux avez-vous mis en place ?
Tout d’abord, nous avons mis en place un comité éditorial mensuel avec le marketing (pour les front digitaux et les discours d’offres) pour revoir les bases de connaissances et les FAQ.
Ensuite, pour déployer ces solutions de Machine Learning, il nous faut des RACI clairs mais nous n’avons pas vraiment les compétences aujourd’hui dans l’organisation. Nos métiers évoluent mais nos compétences doivent évoluer en parallèle. Nous avons bien des skills de data-analyses mais pas de là à prendre la main sur des projets de Machine Learning. La question sous-jacente réside dans le Make or Buy. Nous n’avons donc pas le choix de faire du »Buy » avec le risque de démultiplier les couches logicielles et accroître les coûts ET surtout ne plus assurer la cohérence des réponses sur toutes les plateformes.
In fine, les métiers doivent prendre le lead et la DSI venir en support dans l’immédiat et à terme développer la capacité de basculer vers le »Make » sur ces sujets. Et ce dans une optique de synergie dans les process et les coûts.
4 points clés à retenir
CX = Run + Build
Savoir habillement jongler entre ces deux types de gestion de projets
Le stack
Savoir démontrer la pertinence des choix d’investissement et mesurer les performances
CX + EX en parallèle
Nécessité d’accompagner les call center et leur permettre de réduire leurs efforts
Team effort
Incentiver l'organisation sur le NPS, définir un RACI et une gouvernance
Expert du Digital avec plus de 20 ans d’expérience au service du B2B et du B2C, dans toutes les tailles d’entreprise et à l’échelle internationale. Mes plus récents développements ont été orientées vers des solutions e-commerce et Omnicanales. Passionné, je suis auteur, formateur et en veille permanente.
Contrôler et améliorer l’expérience client grâce à l’intelligence artificielle
Découvrez mon « Capstone Project » issu de ma formation pour cadre de l’Université Berkeley ExecEd de Californie :
« Artificial Intelligence: Business Strategies and Applications »
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