Mick Lévy auteur de « Sortez vos données du frigo »
Aujourd’hui nous recevons Mick Lévy, auteur de « Sortez vos données du frigo » sorti en Février 2021 aux éditions Dunod. Il nous fait le plaisir de répondre à quelques questions pour comprendre et mieux cerner l’univers de la data, de l’intelligence artificielle et des projets autour des données d’entreprise. Alors, sans plus attendre, rentrons dans le vif ou oserais-je dire chaleureusement, dans le « froid » du sujet.
Mick Levy dit de lui-même et avec beaucoup d’humour qu’une « légende court comme quoi il aurait de la data dans le sang ». C’est tout à fait crédible et c’est ce que l’on ressent en abordant son premier chapitre « Avant de parler data, parlons d’amour ».
Mick Lévy, en alchimiste passionné, nous invite dans son laboratoire, nous emmène en voyage dans l'univers de la data et fait monter la température.
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Basse température : Time Data Machine
Première étape, on démarre en remontant le temps de la transformation numérique. Par quelles étapes nous sommes passés pour en arriver à la 4ème et 5ème vague de création des données fortement liée aux nouvelles technologies qui ont permis et continuent de permettre l’augmentation des données collectées. -
Fraîcheur : Au pays de l’or noir…de la data
Deuxième étape, Mick va nous expliquer avec une extrême clarté comment constituer un socle de données, nouvel or noir du 21ème siècle, ce que cela implique en termes de stockage, de nettoyage, de structuration de cette donnée et comment l’intelligence artificielle va pouvoir intervenir pour la valoriser. -
Douceur : L’entreprise du futur sera « data centric »
Attention étape cruciale de l’alchimie, ici, on apprend comment placer les données et l’intelligence artificielle au cœur de la stratégie de l’entreprise, comment instaurer une gouvernance de la donnée pour les cartographier, les protéger, les consolider tout en les fiabilisant. -
Chaleur : Dans le laboratoire des données
Etape de transformation, on rentre dans les différentes approches qui vont pousser une entreprise à se lancer dans les chantiers de la donnée. Comment va-t-elle pouvoir identifier et prioriser les usages pour les passer à échelle, atteindre le « graal », faire parler l’oracle et enclencher sa transformation à travers la valorisation de ses données. -
Ebullition : La pierre philosophale de la data
Et enfin la dernière étape (mais peut aussi se lire en filigrane), la transformation du plomb en or. Au cœur de l’ouvrage, Mick Levy partage son expérience en donnant des cas d’usages très concrets. Pour nous aider à parfaire nos nouveaux pouvoirs de futur alchimiste de la donnée, il décortique des cas d'entreprise qui ont contribué à optimiser l'excellence opérationnelle, la connaissance client, l'innovation ou encore la lutte contre la fraude pour aller chercher la performance.



Bonjour Mick Levy ! Tout d’abord, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.
Vous avez écrit un excellent livre sur la data et les projets que toute entreprise devrait initier pour à la fois optimiser ses performances mais aussi perdurer dans un monde de plus en plus concurrentiel et incertain.
La première question est liée au thème central de votre ouvrage et au fait que les données sont bien souvent gardées dans le frigo voire le congélateur des entreprises. Certaines se lancent mais d’autres demeurent assez frileuses pour entamer la transformation par les données.
Comment convaincre les entreprises d'ouvrir le frigo et commencer à exploiter leurs datas selon Mick Lévy ?
Le premier facteur est celui de la prise de conscience (ou plutôt de la non prise de conscience) des dirigeants sur la valeur des données.
En effet, elles ne sont généralement pas considérées comme un actif à part entière. Et il en résulte que le patrimoine des données n’est pas mesuré, pas piloté, pas valorisé, pas exploité ni même maîtrisé par les entreprises.

Mais, il faut reconnaître que la discipline est exigeante et cumule les difficultés. En outre, le péché originel vient certainement de ce qu’il faut bien nommer la tragédie des silos. Car celle-ci est dictée par la loi de Conway. L’organisation des entreprises est construite de façon extrêmement silotée (par ligne produit, par canal de distribution, par fonction, etc.) … Et ce découpage se retrouve « naturellement » transcrit dans les données. Donc, il en résulte de multiples difficultés sur la qualité des données, sur leur croisement et sur leur exploitation transverse. Alors, il faut prendre conscience de la valeur des données… Et dans le même temps être lucide sur les efforts à consentir pour correctement les exploiter.
Les facteurs clés de succès d'un projet Data et IA

Un projet Data est coûteux et consommateur de ressources humaines (toute une alchimie entre les équipes DSI, Métiers, Équipe Data). Quels sont les facteurs clés de succès et comment transposer ces projets dans les enjeux de croissance et de rentabilité ?
D'une part, le premier conseil est de se concentrer sur les usages et de bannir toute démarche purement technologique. En effet, ça a été l’écueil majeur de nombreuses entreprises pionnières de la grande époque du Big Data qui ont construit leur Data Lake sans même imaginer les usages auxquels il pourrait répondre.
D’autre part, les projets data et IA doivent résoudre des problèmes de l’entreprise et créer de la valeur. Et pour cela, il faut que les métiers soient pleinement partie prenante des projets. Dès lors, l’impulsion doit venir d’eux et la DSI doit alors prendre une position de catalyseur. C’est-à-dire d’être la direction qui permet la mise en réalité des projets par la technologie. Mais le problème est que beaucoup de personnes dans les directions métiers ne parviennent pas à se projeter et à imaginer les usages qu’ils pourraient avoir de la data et de l’IA. Il en découle une nécessité d’acculturation qui concerne toute l’entreprise.
D’ailleurs, j’anime régulièrement des sessions d’idéations pour faire « brainstormer » les organisations sur les cas d’usage les plus intéressants dans leur contexte. Parmi les repères que je partage lors de ces séances, il y a les quatre familles de cas d’usage de la data et de l’IA. C’est un outil précieux pour prendre des repères sur ce qu’on peut faire avec les données.
Voici les 4 familles de cas d’usage de la data et de l’IA : viser l’excellence opérationnelle, améliorer l’intimité clients, maîtriser les risques et se réinventer.
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Comment atteindre la quintessence opérationnelle des données ?
Comment calmer les “impatiences” des parties prenantes quand on sait qu’un projet Data demande beaucoup de temps et d’itérations avant de pouvoir extraire la quintessence opérationnelle des données ?
Et bien, il faut adopter le mantra « Penser grand, commencer petit ». Certes, la transformation data ne se fera pas en un jour. Certes elle va demander beaucoup d’efforts. Et certes il y aura des échecs. Mais si on construit les projets de façon itérative avec des petits succès visibles et mesurables. De plus, on va dégager de la valeur rapidement et mettre toute l’organisation sur le chemin d’une transformation vertueuse.
Par ailleurs, je recommande la démarche MVP (Minimum Viable Product), popularisée par Spotify et fondée sur un principe de développement itératif. En effet, il doit être au cœur du développement des projets. Et avec cette méthode, l’entreprise apprend en même temps qu’elle délivre des solutions. Ce qui crée un cercle vertueux et une courroie d’entraînement pour la suite du programme.
Comment assurer l’éthique by design sur les algorithmes d'IA ?
Dans votre livre il y a tout un chapitre très intéressant sur l’éthique adaptée à la data et l’iA. C’est-à-dire assurer une transparence et une lisibilité des algorithmes dès leur conception. En revanche, que peut-on faire aujourd’hui pour les algorithmes déjà en service et impactant notre quotidien ?
Tout d’abord, le comportement des algorithmes d’IA déployés en production doit être observé en continu. En effet, les entreprises qui les construisent doivent constamment s’assurer qu’ils ne « dévient » pas.

Et qu’ils gardent une réponse équitable sur les situations rencontrées en production. C’est la grande difficulté avec l’IA : le comportement de l’algorithme n’est pas guidé par le code mais par les données, c’est-à-dire par les expériences auxquelles il est confronté. Et ces expériences ne sont pas toujours prévues à l’avance par les concepteurs. Il en résulte que des algorithmes peuvent être confrontés à des situations qu’ils n’ont jamais rencontrés lors de leur conception et de leur entraînement.
Donc, cette gestion de l’incertain est centrale dans les projets d’IA. C’est elle qui entraîne cette nécessité « d’observabilité » des algorithmes en production. Et elle doit être instaurée pour toutes les IA, y compris celles déjà généralisées. Alors, il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Mais le sujet de l’éthique est en réalité bien plus large. Il faut surmonter ce que j’appelle les trois plaies de l’IA. Ces trois risques inhérents à l’IA que sont les biais, l’opacité et la redéfinition du concept de responsabilité. Il faut aussi assurer une protection des données optimale, notamment cadrée par le RGPD. Enfin, il faut aussi définir un code de conduite guidé par les valeurs et la culture de l’entreprise et des utilisateurs de l’IA. Le sujet de la confiance en l’IA présente donc de multiples facettes et ne connaît pas de réponse unique.
La nécessite d'un cadre légal européen sur l’intelligence artificielle
Justement, question réglementation, que pensez-vous du nouveau projet de loi de la Commission Européenne sur l’intelligence artificielle ?
Il est encore un peu tôt pour se prononcer, mais je crois que c’est une excellente chose que l’Europe se positionne. Il faut fixer des limites et je pense que les entreprises trouveront elles aussi un bénéfice à disposer d’un cadre clair sur ce qu’elles peuvent faire ou non dans ce domaine.
En Europe, on aurait pu se croire à l’abri avec l’armada réglementaire que représentait déjà le RGPD. Mais on se rend compte qu’il ne couvre pas les sujets d’IA. Le RGPD répond aux problématiques de protection et non aux questions d’éthique et de confiance des algorithmes. On constate d’ailleurs que ce règlement est peu à peu en train de s’imposer comme une forme de standard mondial. D’ailleurs, il serait une bonne chose si le nouveau projet de la Commission sur l’éthique de l’IA parvenait à se généraliser de la même façon.
Quelles formations pour les nouveaux métiers de la Data ?
Pour celles et ceux qui souhaitent s’orienter ou se réorienter vers ces nouveaux métiers de la Data, quelles formations conseillez-vous ?
Tout d’abord, je les y encouragerais vivement ! Les métiers de la data sont diversifiés, évoluent rapidement et sont passionnants. Ça fait maintenant 20 ans que je suis dans ce domaine et il me fascine toujours autant.
Les formations ne manquent pas et les grandes écoles sont nombreuses à proposer des formations diplômantes ou certifiantes. Chez Business & Decision, on a même créé notre Ecole de la Data pour former aux métiers de la donnée. Avec ce dispositif, on complète la formation de jeunes ingénieurs sur les cursus de data engineers, data analysts et data scientists. Mais on forme aussi les professionnels des données dans l’entreprise sur ces mêmes cursus et sur des programmes d’acculturation. Dès lors, ils peuvent toucher la totalité des employés des entreprises. L’enjeu est donc important, je crois même qu’il en va de la compétitivité des entreprises françaises sur la scène européenne et mondiale.
The Frozen Question qui jette un froid ...Brrrrr 🥶 !

Ah mais non, je suis convaincu que c’est tout l’inverse ! En effet, il est clair que la data va objectiver des décisions et automatiser des actions dans l’entreprise. Mais cela va au contraire permettre de libérer du temps et de l’énergie pour qu’on puisse se concentrer pleinement sur les sujets à plus forte valeur ajoutée. Et pour lesquels de la créativité est justement nécessaire.
De plus, les corrélations de données révèlent souvent des choses totalement inattendues. Elles vont être sources de nouvelles idées et de nouvelles approches créatives pour l’entreprise. Et cela est particulièrement le cas pour tout le domaine de l’expérience client. Alors, avec la data, on peut enfin retrouver l’intimité perdue par des décennies de commerce de masse et de ciblage au bazooka 😀.
Acculturation avec Mick Lévy : 3 façons d’accélérer la transformation Data & IA [REPLAY]
Avez-vous des actualités futures à partager avec nous (un webinar, une conférence, etc…) ?
J’adore communiquer et échanger ! De fait, je participe très régulièrement à des webinars, conférences et autres salons. Entrons en contact sur Twitter ou LinkedIn pour suivre mes interventions et échanger sur tous ces sujets passionnants. Vous pouvez aussi suivre le blog de Business & Décision sur lequel je publie régulièrement des articles et replays des webinars que j’anime.
Mick Lévy
Un grand merci Mick pour ces éclairages et le temps accordé 😉

Plus de 10 ans d’expérience en gestion de projets IT & Digitaux à l’échelle internationale – Cabinet Conseil (Big 4), Grands Groupes, PME et Start Ups. Reconvertie dans le Marketing Digital et le SEO depuis 2017. J’aime les sciences et techniques, les innovations et les nouvelles technologies qui impactent déjà le monde d’aujourd’hui.
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