Les pionniers de l’IA : Alan Turing

Enfance solitaire et débuts dans les mathématiques

Alan Mathison Turing est le fils de Julius Mathison Turing, fonctionnaire de l’administration coloniale et de Ethel Sarah Turing, fille d’un ingénieur en chef de la compagnie Madras Railway.

Il sera élevé dans un premier temps par des amis de la famille, ses parents étant occupés en Inde. Julius et Ethel Turing reviendront en Angleterre mais dès l’âge de 13 ans, Alan sera mis en pension.

Même si ses débuts seront à peine reconnus par ses professeurs, il montrera très vite les signes de son génie et une affinité précoce pour les chiffres et les énigmes.

Il commencera à étudier les mathématiques en 1931 au King’s College de l’université de Cambridge.

1936 – Vers l’ordinateur, son article fondateur

Un des tous premiers articles fondateurs écrit par Alan Turing est celui de 1936. En effet, dans cet article, il pose les bases de l’informatique en reprenant des éléments théoriques de Alonzo Church, mathématicien américain.

Dans son travail, il s’efforce d’apporter une définition de la manipulation automatique de l’information, de préciser la notion de calcul et invente le concept de « Machine de Turing ».

Entre la publication de son article et 1938, il ira étudier aux États Unis à Princeton. Il y fera une thèse sur la logique mathématique sous la direction de Alonzo Church.

1939 – Enigma : débuts des travaux de décryptage

Alors que le climat international se tend avec l’Allemagne, il décide de rentrer en Angleterre en 1939 qui sera l’année du début de la seconde guerre mondiale.

Très vite, il décide de s’installer à Bletchley Park, à une heure de Londres où des chercheurs, cryptographes, mathématiciens et ingénieurs essaient de décrypter les codes allemands.

En effet, les Allemands utilisent une machine appelée Enigma qui est considérée à l’époque comme étant impossible à décoder.

Pour chaque lettre tapée sur une sorte de machine à écrire, Enigma la change pour une autre, de manière aléatoire. On pouvait recenser plus de 10 puissances 17 combinaisons possibles pour crypter un texte. 10 puissances 17, c’est phénoménal pour l’époque et les Allemands sont sereins sur l’inviolabilité de leurs messages codés.

C’est alors que Turing va apporter toute sa vision et sa compétence conceptuelle en mathématiques, en cryptographie pour décomposer « virtuellement » la machine Enigma.

En parallèle, les ingénieurs travaillent sur une vraie machine de type mécanique qui va être capable de travailler sur cette décomposition de codes. Dans cette machine on a des cylindres qui font un bruit de tic-tac à chaque étape de décodage. On appelle alors ces sortes de cylindres, les « bombes » en rapport avec le bruit qu’elles génèrent.

1941 – Vers la victoire des alliés

L’alliance de la force conceptuelle et du travail sur papier que va faire Turing en collaboration avec le travail des ingénieurs et les ajustements faits sur les bombes de la machine va permettre en 1941 (et donc 2 ans plus tard ) de décoder et lire les communications allemandes.

Turing et ses équipes ont permis aux alliés de contrer les offensives allemandes et à terme de gagner la guerre.

On retrouve cette histoire incroyable dans le film « Imitation game » (le jeu de l’imitation en français). Le titre du film fait référence à l’article que Turing a écrit en 1950.

1950 – Vers l’intelligence artificielle et le Test de Turing

Turing se concentre désormais sur la possibilité conceptuelle de prêter une intelligence à des machines.

En octo­bre 1950, il publie son article intitulé « L’ordinateur et l’intelligence » dans la revue philosophique Mind. 

Souvent considéré comme posant la base de ce qui deviendra l’intelligence artificielle, le texte s’ouvre sur le jeu de l’imitation, dans lequel le chercheur imagine le moyen pour une machine de se faire passer pour un être humain.

Cet article deviendra ce pour quoi on se souviendra de lui dans un premier temps : son fameux test pour savoir si on a à faire à un humain ou une machine, le jeu de l’imitation ou plus communément connu comme le « Test de Turing ».

1952 – L’épreuve de la castration chimique

Environ deux ans avant sa mort, Turing a une aventure avec un homme qui le conduit au tribunal.

Rappelons qu’une loi britannique de 1885 rend les actes sexuels entre hommes illégaux et passibles de prison. Un autre génie, Oscar Wilde, en aura aussi, durement fait les frais.

Alan Turing qui assumera les faits et donc son homosexualité, sera mis devant un choix : un an de prison ou la castration chimique.

Il n’est pas question pour lui d’arrêter de travailler. Il optera pour la castration chimique qui, il pense, lui laissera ses facultés intellectuelles intactes.

Cette décision sera lourde de conséquence et marquera le début d’une descente aux enfers.

1952 – Morphogénèse et invention du terme « morphogène »

Pendant cette épreuve de castration chimique, on lui injecte des hormones féminines pour réduire la production de testostérone et calmer les ardeurs sexuelles. Son corps va subir des modifications physiques profondes.

« Il se trouve alors confronté à la façon de vivre ces transformations de l’intérieur alors que tout son travail l’avait finalement mené à distinguer aussi radicalement que possible le corps et l’esprit. » – Jean Lassègue (Biographe de Turing).

Alan Turing qui s’intéressait déjà à la morphogenèse, discipline consistant à étudier les lois biologiques qui déterminent la forme, la structure des tissus, organes et organismes vivants, va continuer ses travaux.

En 1952, il développe un modèle mathématique de morphogenèse qui explique les structures spatiales formés par les mécanismes physicochimiques. On appelle aujourd’hui ces structures spatiales des structures de Turing.