Ayant passé de nombreuses années à travailler sur des projets SAP, dans de nombreux secteurs et pour un nombre certain de grands groupes, j’avais depuis longtemps envie d’interroger un expert SAP et IA.
SAP a été créé dans les années 70 et en moins de 25 ans, il était déjà bien implanté dans les entreprises. Aujourd’hui il sert de colonne vertébrale à toutes les activités que ces dernières doivent gérer et à tous les étages. Depuis un peu plus de 4 ans, SAP accélère sur l’intelligence artificielle, suite logique à son cœur de métier.
Avant ma reconversion dans le marketing digital et le SEO, la nouvelle architecture SAP HANA faisait son entrée au niveau des nouveaux projets à mettre en place. On parlait déjà de ce que cette nouvelle base de données unifiée et in-memory pourrait faire pour l’entreprise. Elle favoriserait alors les décisions factuelles et en temps réel. A titre d’exemple, le système pourrait prédire une panne sur une chaine de production afin d’éviter les temps de latence très couteux. Eh bien nous y sommes !
Jusqu’en 2017, SAP accompagnait les entreprises qui souhaitaient devenir plus efficaces.
Aujourd’hui en 2021, SAP accompagne les entreprises qui souhaitent devenir plus intelligentes.
J’ai eu la chance de pouvoir recueillir l’expertise de Mr Erik Marcadé, Head of SAP Lab Paris. Erik Marcadé est un grand spécialiste de l’IA qui nous livre ici son expérience et sa vision. Il nous explique comment l’intelligence artificielle développée au sein de SAP permet ainsi de rendre les entreprises plus agiles et plus intelligentes.
Biographie d'Erik Marcadé - Directeur du SAP Labs Paris
Depuis mi-2018, Erik est le directeur du "SAP Labs Paris": une entité qui regroupe les forces de développement de SAP sur le site de Paris. Ce lab d'à peu près 600 personnes fait partie du réseau des 20 centres de développement de SAP dans le monde et fournit des technologies qui sont au centre de la stratégie "Entreprise Intelligente" de SAP.
Co-fondateur de KXEN
Erik est arrivé chez SAP en 2014, suite à l’acquistion de la deuxlème startup dont il était un co-fondateur: KXEN – Knowledge eXtraction ENgines – startup dans le domaine de l’apprentissage machine automatisé. Fort d’une expérience de plus de 30 ans dans l’industrie du « Machine Learning », Erik Marcadé, fondateur et directeur technique de KXEN, était responsable du développement logiciel et des technologies de l’information. KXEN a vendu des outils d’automatisation d’analyses avancées principalement utilisés dans le domaine de la gestion de la relation client pour les secteurs verticaux tels que les télécommunications, les secteurs de la finance, le commerce de détail et les entreprises de l’Internet.Expertise logicielle – Cadence Design Systems
Avant de fonder KXEN, Erik a développé une expertise logicielle temps réel chez Cadence Design Systems, responsable de l’avancement des systèmes logiciels en temps réel ainsi que de la gestion de projets «System on a chip». Avant de se joindre à Cadence Design Systems, il a dirigé un projet de restructuration de base de données marketing du plus grand constructeur automobile français pour le compte d’une des plus importantes sociétés européennes de services de technologies de l’information, ATOS.Co-fondateur de Mimetrics
En 1990, Erik a co-fondé Mimetics, une société française qui traite et vend des environnements de développement, des produits et services de reconnaissance optique de caractères (OCR), utilisant la technologie des réseaux neuronaux. Avant Mimetics, Erik a rejoint Thomson-CSF « Weapon System Division » en tant qu’ingénieur logiciel et chef de projet travaillant sur l’application de l’intelligence artificielle pour des projets d’allocation d’armes, de détection et de suivi de cibles, d’évaluation géostratégique et de contrôle de qualité logiciel. Il a contribué à la création de Thomson Research Laboratories à Palo Alto, CA (Pacific Rim Operation – Pro) comme ingénieur logiciel senior. Il a collaboré avec l’université de Stanford sur le système automatique d’atterrissage pour Boeing et Kestrel Institute, un organisme de recherche en informatique, à but non lucratif. Il retourne ensuite en France pour diriger les projets Esprit sur le développement des réseaux neuronaux. Erik possède un diplôme d’ingénieur de l’École de l’Aéronautique et de l’Espace, spécialisé dans le contrôle des procédés, le traitement des signaux, l’informatique et l’intelligence artificielle.Bonjour Erik. Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions sur ia4marketing. Nous sommes ravis de vous compter parmi nos experts et de recueillir votre vision sur l’intelligence artificielle.
Comment êtes-vous venu à l’intelligence artificielle et au SAP Lab Paris ?
J’ai fait toute ma carrière dans l’intelligence artificielle et le machine learning.
Cela a commencé il y a très longtemps, j’ai eu la chance de co-fonder 2 startups dans les réseaux de neurones et le machine learning dont la dernière, KXEN (Knowldege eXtraction ENgines). Elle a été acquise par SAP il y a à peu près 7 ans maintenant dans le but d’intégrer des algorithmes d’apprentissage automatique au plus profond des solutions SAP. C’est ce sur quoi nous travaillons encore aujourd’hui.
SAP va fêter ses 50 ans l’année prochaine et a étendu le domaine de ses solutions à toutes les fonctions de l’entreprise.
Le virage que SAP a entrepris à la fois sur le cloud et sur l’Entreprise Intelligente nous place au cœur de l’innovation. Innovation réclamée par nos clients et ceux qui ne le sont pas encore.
Pouvez-vous présenter les solutions d’intelligence artificielle de SAP et plus particulièrement dans le marketing ?
Il y a tellement d’intégrations de l’intelligence artificielle et de machine learning au fond des processus que je ne saurais pas par où commencer.
Bien sûr, nous parlons de l’ERP (*) avec les solutions S/4HANA et ByDesign dans lesquels de nombreux processus intègrent déjà des systèmes prédictifs. Comme par exemple, la prévision du nombre de jours où les produits vont rester en stock.
(*)Le terme ERP vient de l’anglais « Enterprise Ressource Planning ». ERP a été traduit en français par l’acronyme PGI (Progiciel de Gestion Intégré) et se définit comme un groupe de modules relié à une base de données unique. L’ERP est un progiciel qui permet de gérer l’ensemble des processus opérationnels d’une entreprise en intégrant plusieurs fonctions de gestion : solution de gestion des commandes, des stocks, de la paie et de la comptabilité, solution de gestion e-commerce, de commerce BtoB ouBtoC dans un système. Source du terme ERP
5 processus clés d’intégrations de l’intelligence artificielle
Processus de planification
Ces derniers temps particulièrement, nous avons travaillé sur le ‘P’ pour planning de ERP. Tout processus de planning de l’entreprise passe par une phase de prévision.
Nous avons donc intégré au plus profond du processus, des technologies de prévisions de séries chronologiques. Cela permet de gagner du temps dans le processus de planning.
Domaine des ressources humaines
Puis, nous pouvons citer le Human Experience Management (les solutions RH). Les intégrations vont des techniques pour dégenrer les annonces à des systèmes de recommandations de formations dans les entreprises.
Processus des achats
Grâce à l’Intelligent Spend and Business Network, nous pouvons aussi mettre en avant des scores de fiabilité des fournisseurs et des payeurs par exemple.
Interactions humaines et Reconnaissance d’images
L’intelligence artificielle est aussi utilisée dans ces capacités :
- soit d’interaction avec les humains et le monde extérieur comme une interface conversationnelle sur tous les produits SAP
- soit de reconnaissance d’images pour reconnaitre automatiquement des documents ou même des problèmes de qualités intégrées dans nos offres IoT.
Marketing et expérience client
Enfin, bien sûr, nous pouvons mentionner le “Customer Experience” avec tout ce qui concerne le marketing, les forces de ventes, et le commerce avec des modèles comme l’attrition des clients et le lead scoring.
Grâce aux modèles prédictifs intégrés, on peut plus facilement gérer les opportunités Marketing. On peut mieux cibler les campagnes et gérer les approbations. On peut aussi mieux connaître les clients grâce à SAP Gygia, racheté par SAP en 2017 pour sa solution CIAM (Customer Identity and Access Management).
Modèle de scoring
Des modèles comme le Score d’Opportunités permettent de se focaliser sur les contacts qui ont le plus de chance de devenir client et réduire ainsi les délais de conversion. Il permet aussi de comprendre les raisons d’un score faible, grâce à l’explicabilité du modèle.
Le « simple » modèle de scoring reprend plus de 70 variables de données dans différents secteurs d’activité de l’entreprise (Ventes, Marketing, Services, Support, Finance, …).
En se basant sur la donnée historique, il établit un modèle qui permet de relier les données d’entrée à notre cible. Par exemple « est-ce que la personne va m’acheter le produit dans les 30 jours à venir ?
Ainsi, le modèle entraîné est alors à même d’évaluer les contacts actuels pour établir un score de confiance et indiquer à l’expert métier les facteurs d’influence de ce score.
Pour aller plus loin, deux articles (en anglais) :
Comment l’intelligence artificielle contribue à la création de valeur de vos solutions ?
Vous avez compris que les exemples se comptent littéralement par centaines. C’est vraiment l’expression de ce que SAP met en avant avec la notion d’Enterprise Intelligente.
Le but de toutes ces solutions logicielles est le même depuis des années. Nous visons l’amélioration de la productivité et le fait de pouvoir dégager du temps des collaborateurs et des budgets à ce que les humains font le mieux. En l’occurence, la valeur ajoutée de l’humain concerne les traitements des cas particuliers, les innovations, l’amélioration de l’expérience client et la gestion des changements.
Actuellement, les technologies permettent de faire des choses qu’on ne pouvait pas rêver il y a quelques années. Cela permet de repenser parfois son métier et ses processus pour les modifier en profondeur et les simplifier grâce à l’automatisation.
D’où aussi l’intérêt de disposer d’outils flexibles pour modéliser et modifier ses processus métier au fur et à mesure de l’introduction de ces technologies.
Quels sont aujourd’hui les pré-requis matériels et humains pour un projet d’IA avec SAP ?
Comment accompagnez-vous les clients en cas de problèmes ?
Quand on parle d’IA ou de Machine Learning, le premier pré-requis n’est ni matériel, ni humain, ce sont les données.
Toutes les solutions SAP gèrent les données des entreprises depuis de nombreuses années déjà. C’est pour cela que SAP offre un environnement de données incroyable pour ceux qui veulent faire de l’IA pour les entreprises. Nos partenaires l’ont bien compris.
Tout projet d’IA ou de Machine Learning pour l’entreprise n’a pas besoin de pétaoctets de données. Même si nous avons entrainé en interne des systèmes de traduction automatique. Pour ce faire, nous nous sommes basés sur les millions de pages de documentation technique dont nous disposons dans presque toutes les langues.
La question sur le support (*) est une question importante et il y a deux cas d’espèces :
- soit le client utilise ses propres data scientists qui doivent alors fournir le support lorsque les modèles ne donnent pas satisfaction.
- soit il utilise nos procédures automatisées qui sont généralement intégrées par les équipes de développement des solutions SAP. Nous devons alors fournir le support adéquat.
Pour les modèles intégrés, ce rôle de support incombe à SAP.
Nous avons énormément travaillé ces dernières années sur les notions d’explicabilité des modèles et nous travaillons également continuellement avec les clients qui nous font confiance pour sans cesse améliorer nos techniques en face de situations de données particulières.
Quels conseils donnez-vous aux entreprises qui n’exploitent pas encore leurs données ?
Dans un monde où les entreprises seront « data-driven », il est important d’expérimenter la relation que nous aurons avec ces données à travers les outils qui seront à notre disposition.
L’IA est une manière d’optimiser la prise de décision en se basant sur notre historique.
Grâce aux nouvelles technologies, nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère où tout reste encore à créer.
Les expérimentations permettent à chaque entreprise de mettre en avant ses propres valeurs tout en servant ses clients et en accompagnant ses employés.
L’utilisation des solutions ayant une intelligence embarquée permet de mieux comprendre l’apport de ces technologies et son impact sur les processus métier.
SAP a mis depuis le début l’accent sur la qualité des données présentes dans les applications, ce qui permet une exploitation plus facile dans le contexte de l’apprentissage machine.
Focus Support
La notion de support (*) est cruciale car l’IA n’est pas une science exacte puisqu’elle consiste à apprendre des données historiques.
Or, rien ne prouve que les données historiques soient de bonne qualité, ni même qu’elles permettent de répondre à la question métier de manière précise. Si on prend l’exemple d’un marchand de glaces. S’il ne dispose que de ses données de ventes, il ne pourra jamais créer un modèle prédictif fiable sans intégrer les données de prévision météo ou les manifestations autour du magasin (sorties de films, expositions, congrès ou conférences, …).
Le « support » est dans ce cas quelqu’un qui a les connaissances métier, et technique (Data Science) pour évaluer les données et le modèle, pour diagnostiquer et aider à améliorer les performances et la robustesse des modèles prédictifs.
Avez-vous un ou deux exemples de projets réalisés avec SAP IA et des retours sur investissements constatés ?
- BASF : 96% d’automatisation du rapprochement bancaires grâce à l’utilisation de SAP Cash Application
- Trainitalia : 100m€ économisé grâce à la maintenance prédictive au profit de la satisfaction clients
- Intelligent RPA (Robotic Process Automation) avec plus de 250 robots prédéfinis activables
- SAP Conversational AI pour automatiser les réponses aux questions les plus fréquentes posés aux plateformes d’assistance
Quelle est votre vision à moyen et long terme de l’intelligence artificielle ?
A vrai dire, ma vision n’est pas technologique et je remercie les initiatives telles que les vôtres.
L’élément qui freine la diffusion est encore les hommes et les femmes qui doivent les utiliser, et les utiliser à bon escient .
Il y a 2 lois immuables :
- « on ne sait pas ce que l’on ne sait pas ». Il n’est pas rare encore de voir certaines capacités disponibles décrites ci-dessus ne pas être utilisées ou alors de façon épisodique. Non pas pour des raisons d’efficacité (car elle a déjà été démontrée maintes fois) mais à cause de la deuxième loi.
- Cette deuxième loi est « quand quelque chose change autour de soi, on se focalise sur ce que l’on perd et non pas sur ce que l’on va gagner ».
L’intégration de ces technologies change les processus et les façons de faire. Elles font donc sortir de leur zones de confort un certain nombre d’opérateurs. Il faut alors du temps pour cela diffuse.
Au risque de paraitre non politiquement correct, nous avons vu des cas où l’humain aime bien contourner les lois. S’il trouve une faille dans le système, il va l’utiliser. Je peux citer l’exemple de rentrée manuelle de données dans les système de gestion des forces de ventes.
Il faut être très rigoureux sur le processus d’alimentation des algorithmes car sinon on risque d’automatiser des biais humains.
Quelles prochaines innovations de SAP dans le domaine de l’IA ?
C’est une question pleine d’espoir 😉. Malheureusement, je ne pourrais pas y répondre de façon globale pour des raisons de confidentialité. Mais je peux mentionner quelques domaines d’intérêt personnel.
Ils sont proches car on y parle de données. En revanche ils sont également lointains. Lorsque nous parlons de données dans ces domaines nous parlons aussi de structures au-dessus de ces données. On peut citer la sémantique, des hiérarchies, des filtres, des formules, des droits d’accès etc… La première chose qu’un data scientiste vous dira est « Extrayez-moi un fichier plat et mettez-le-moi à disposition ».
Ce faisant, ce data scientiste mettra simplement au rebut des efforts, des années, des investissements que l’entreprise a déjà fait pour rendre ces données intelligibles et utilisables pour les utilisateurs métiers. Nous travaillons à conserver cette valeur et ce n’est pas facile.
Focus Data scientists
Les data scientists travaillent souvent en partant des fichiers CSV (texte plat) pour travailler sur une plateforme (SAP BTP, AWS, Azure ou GCP) où le système informatique n’a aucune connaissance, ni compréhension des informations qui sont stockées.
La lecture d’un tel fichier nécessite d’ailleurs des traitements pour indiquer au système comment la date « 12-11-21 » représentée sous forme texte devrait être lue (12 nov 2021, 11 dec 2021, 21 nov 2012, …).
Or ces fichiers sont souvent extraits des systèmes d’information d’entreprise où les logiciels (comme l’ERP de SAP) ont une compréhension très précise des concepts et des données traitées. Il y aussi de même d’autres sémantiques liées au modèle de données de la solution, ou plus globalement à l’ontologie du domaine métier (concepts, hiérarchies, unités de mesure, seuils d’alerte...)
La conservation et l’exploitation de ces sémantiques est un axe de travail pour SAP, qui est aligné avec la vision du « One Domain Model » . Ce modèle consiste à exposer un modèle de données unique qui couvrirait l’ensemble des entités manipulées par l’ensemble de nos solutions métier.
Ceci permet de grandement simplifier la création de futurs modèles d’intelligence artificielle et permet aussi à nos clients de pouvoir étendre plus facilement les solutions de SAP.
SAP Customer Experience: SAP C/4HANA Suite
Aussi sur le marketing prédictif, consultez GetQuanty ou comment booster les ventes grâce au scoring prédictif.
Plus de 10 ans d’expérience en gestion de projets IT & Digitaux à l’échelle internationale – Cabinet Conseil (Big 4), Grands Groupes, PME et Start Ups. Reconvertie dans le Marketing Digital et le SEO depuis 2017. J’aime les sciences et techniques, les innovations et les nouvelles technologies qui impactent déjà le monde d’aujourd’hui.
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